Mützig star : des vainqueurs à la créativité stérile ?

Le bilan de ce concours sur les douze dernières années est moins reluisant. La gloire des vainqueurs semble s’estomper immédiatement au lendemain de leur victoire. Regard panoramique.

18 novembre 2016. C’est jour de la grande finale. Au milieu de cette nuit de fête annuelle, le public présent au Castel hall à Douala découvre la nouvelle gagnante de la 26ème du concours Mützig star : Marlyse Ngo Hiega de son nom d’artiste Marlyz. Un nom que beaucoup découvre à l’instant. L’événement étant passé presque inaperçu cette année : une communication outdoor quasi inexistante. Quelques rares banderoles ont été apposées dans la ville de Douala à pratiquement 4h du début de la finale. Certainement pour remplir les formalités car, je pari que la majorité des habitants les ont vu un ou deux jours après. On a aussi eu une absence d’accompagnement digital assuré, assuré comme lors des précédentes éditions, par des blogueurs. L’agence chargée du volet communication a peu d’être optée pour une autre formule « créative ». Peu importe. Ce n’est pas le sujet du jour.

Marlyz, vainqueur Mützig star 2016

Marlyz, représentante de la région du Centre, s’en tire avec 1.000.000 Fcfa, la production complète de son album par les SABC et une voiture. L’extase à coup sûr dans la famille. Idem chez moi, si j’étais à sa place. Premièrement, je serai devenu le premier enfant véhiculé de la famille. Deuxièmement, j’aurai pris congé de la marche (certains m’ont surnommé le « Usain Bolt de la marche » à Douala. Je ne vous raconte pas mes records aujourd’hui), le temps d’épuiser le carburant présent dans le réservoir et attendre une manne céleste pour aller chercher le « Zoua Zoua » (carburant frelaté) chez le vendeur de Missolé I et II. On en reparlera le jour où l’honneur de cette famille sera lavé avec l’achat ou le gain d’une voiture. Même d’occasion. Ahahahhahhahahah !!!!

Productivité limitée

1er transfert GRATUIT sur WorldRemit grâce au code BATCHOU 16 

Aujourd’hui, j’ai décidé de passer, même superficiellement en revue, ce concours (anciennement appelé concours national de la chanson Mützig) sur les douze dernières années. Le triste constat qui en découle est la baisse générale du niveau de productivité des vainqueurs de ce concours. D’aucuns me diront sans avoir même lu, comme lors d’un début de diarrhée chronique, que la faute est due à la « piraterie » ou mieux la contrefaçon des œuvres de l’esprit. D’autres jetteront le tort sur les médias locaux qui se contentent de jouer, à longueur de journées, les musiques étrangères. Ce n’est pas entièrement faux. Mais avant d’y arriver, n’oubliez pas que vous avez le numérique aujourd’hui pour accompagner votre promo. En plus, qu’avez-vous d’abord produit comme œuvre ? Là est même la question. Depuis 2005, presqu’aucun vainqueur dudit concours n’est allé au-delà d’un single de qualité ayant accroché le public. En 2005, Dina Michou remporte le concours. Son titre « Ekwada mulema », sorti quelques années plus-tard, s’estompe moins de sept mois après (immédiatement après les fêtes de la fin d’année). Ses apparitions sporadiques suivantes n’ont rien données. Et depuis lors, l’homme est retourné dans les oubliettes de son Bomono natal. En 2006, c’est au tour de Kana Anicet, de son nom d’artiste Kane, de remporter la compétition. Jusqu’ici, aucune de ses chansons n’est connu du public (j’exclu bien évidemment sa famille). On se demande bien s’il a même produit un single pour distribution gratuite. Pas à ma connaissance, en tout cas. En 2007, le groupe One Face est le vainqueur. Et un an plus-tard, précisément en octobre 2008, le groupe nous gratifie d’un album intitulé « Les pleurs d’Afrique ». On a vite cru revivre l’année nostalgique de « Ayo Africa » avec Longuè Longuè. Hélas, les pleurs de Roméo et Rostand se sont vite asséchés. Même l’aventure du côté de la Guinée Equatoriale n’a pas ramené le sourire sur le plan artistique. J’ai écouté leur maxi single en mixage dans un studio d’enregistrement à Douala en 2011. Mais jusqu’ici, j’attends toujours comme l’enfant de cirage (chanson interprétée par Les maxtones du Littoral)

L’édition 2008 a eu pour vainqueur Aboubakar Mbouombouo. Avec son maxi single « Solidarité », on a eu espoir. Je me souviens comment Blando Tchatchoua, attaché de presse, arpentait les couloirs des médias pour faire découvrir cet artiste et son single « Nyinyi ». Fausse de productivité, il a disparu plus-tôt que les autres. Je n’en dirai pas plus pour Zinnia MB Bassome, vainqueur de l’édition 2009. De mémoire de mélomane, je ne me souviens pas avoir écouté juste l’extrait d’un futur single. Si l’un de vous l’a, je serai heureux d’en recevoir et écouter avec attention. En 2010, l’honneur revient à la jeune Mbarga Beyala Carine alias Karyn Beyala. Une As de la guitare. Surtout quand elle joue au bikutsi. On dirait le feu musicien Zanzibar réincarné en elle. Malheureusement, son maxi single « Mayi ki fe » sorti en 2012 est passé inaperçu. L’année d’après, 2011, Roger Fenjy est déclaré vainqueur. Et c’est via un futile post partagé sur la page Facebook de Mützig Star le 20 juin 2013 par Emmanuel Bidjecke qu’on apprend qu’il a sorti un album intitulé « Tu dors, ta vie dors ». Malheureusement, cet album dort encore (j’ignore où) pendant que le conseil prodigué fait son bonhomme de chemin entre les mains de Pol’hanry Janea. Que dire d’Emmanuel Kimbi alias Kimanuel en 2012, Aaron Mbi en 2013, Manojo en 2014 et Valdes Mbang en 2015 ? On attend toujours quelque chose de consistant et de pérenne.

La faute aux sélections ?

On est bien en droit de se poser la question. Et ce n’est pas à tort, surtout quand on regarde souvent le jury des finales régionales. Être animateur est-il forcément un gage de maitrise de toutes les techniques musicales qui plus est en live ? Un « chanteur » qui sur 100 shows fait 100 play-back peut-il aisément jogger un artiste en live ? Suis-je (Frank William Batchou) en mesure d’être membre du jury simplement parce que j’ai suivi plusieurs formations sur la critique musicale ? Je n’en suis pas très sûr. Si les castings départementaux et/ou régionaux (castings de base) sont faussés, le résultat final n’aura pas de poids dans le futur. La preuve, ce sont, pour la plupart, les perdants du concours qui sortent du lot dans le milieu musical : Dynastie le tigre, Stypack Samo, Dany Muna, etc. Je me souviens qu’à l’époque des Longuè Longuè, Belka Tobis, Tanus Foé, Big Benji Mateké…, bien que gamin, le concours de la chanson Mützig n’attirait pas que des assoiffés de bières. C’était une affaire de talent à l’esprit fécond. Le challenge était vraiment rude. Avec un jury minutieusement sélectionné d’artistes de qualité qu’on retrouvait tout le long de la caravane. Les candidats pouvaient donc bénéficier des conseils et des formations accélérées en techniques de chants, de compositions, d’accords, etc. La preuve, la majorité de ses vainqueurs sont encore présents sur le marché. Leurs compositions sont toujours consistantes et très souvent riches d’enseignements. Rien n’à voir avec nos « deux mots – une chanson et un buzz éphémère » d’aujourd’hui. Sauf si c’est une affaire de gagnant par cooptation aujourd’hui.

Zinnia, vainqueur Mützig Star édition 2009

Les organisateurs devraient même, à mon avis, exiger à chaque candidat, avant la grande finale, la disponibilité d’au moins 3 chansons prêtes, travaillées avec l’apport de l’orchestre maison ou de bons musiciens de studios dans un ou deux studios d’enregistrement préalablement sélectionnés pour la circonstance. Question de les inculquer le goût du travail et de la créativité. Le tout sous la supervision d’un ou deux coache(s) (artistes reconnus par son travail de recherche et non du buzz). Quitte au gagnant de compléter son futur maxi ou album avec des reprises comme ce fut le cas avec Longuè Longuè avec « Ayo Africa » sorti en 2002. Là, on sera certain que le résultat sera plus satisfaisant que ce qu’on écoute ces dernières années. Chers organisateurs de Mützig Star, il est temps de se réveiller, reprendre véritablement les choses en mains pour des résultats plus convaincants. C’est ma contribution au pansement de ce concours. Voilà pourquoi, je l’ai rédigé depuis un centre hospitalier de la place où est interné mon fils. Que mon texte rafraichisse votre esprit !

Frank William Batchou

1er transfert GRATUIT sur WorldRemit grâce au code BATCHOU 16 

Comments

[Nicole Obélé]

Tu sembles dire qu'à l'époque Longè Longè et compagnie, les candidats avaient l'opportunité de bénéficier de conseils et de formations accélérées en matière de techniques de chants, cela m'a sans doute échappé en 2002 (2 ans après Longè Longè) lorsque j'ai remporté ce fameux concours, mais je n'ai rien vu qui ressemblait à cela...il m'a même été dit lorsque je préparais mon album un peu plus tard et que je me suis tournée vers eux pour un éventuel accompagnement que ma musique n'était pas le type qui permettait de vendre de la bière...Je ne suis pas capable de dire si les choses ont changé entre temps, chaque nouveau responsable de la marque venant avec sa dynamique.

[Nicole Obélé]

Hihihi Novembre 2013 plus précisément...vendre de la bière bien évidemment mais chuuut...ne le dis à personne! J'irai tout de même les voir en temps opportun puisque ne nous trompons pas, il s'agit en priorité d'un échange de bons procédés.

[Frank William Batchou]

En relisant bien cette partie, tu verras que c'est une proposition que je fais pour aider les candidats. Et où je parle de Longuè longuè, je dis qu'il faudrait que les candidats préparent au minimum 3 chansons à l'avance quitte à compléter avec des reprises comme ce fut le cas avec Longuè longuè avec son album "Ayo Africa". Finalement, le concours c'est pour valoriser les talents ou vendre la bière ? Félicitation Nicole Obélé, ton titre m'a échappé bien qu'observateur de ce concours depuis quelques années et amateur de bonnes musiques comme les tiennes. j'ai d'ailleurs ton album (original) "Suglu ning" sorti en 2013, à moins de me tromper sur la date, que j'écoute très souvent

[Nicole Obélé]

Je pencherais bien plus vers le manque de suivi que vers une créativité stérile...pour en avoir fait l'expérience...

[Frank William Batchou]

Pourtant les brasseries ont réagi en disant qu'ils suivent les artistes. Créativité stérile est juste interrogative pour moi. Raison pour laquelle, je m'interroge aussi sur les présélections et finales régionales de nos jours. Nicole Obélé, peux-tu m'apporter plus à la suite de ton expérience à ce concours ?

[Louis Roy SOFFEU]

Bonjour Frank

Je prends toujours beaucoup de plaisir à lire tes différents posts.
Pour ce qui est de cette histoire de Mutzig Star, je crois que tu as mis le doigt sur la source du probleme: Les selections. Quant on voit qui est juge pendant les selection regionale , on est en droit de se poser des questions. Bien sur je ne citerais aucun nom ici.
Loin de moi la pretention d'etre un expert en musique, bien que grand melomane, mais faudrais penser serieusement a revoir la qualité des juges dès le depart de la competition

[Frank William Batchou]

Merci Louis Roy. Je crois que les responsables des SABC prendront des notes pour revoir cet aspect de la chose si effectivement, c'est le noeud du problème. J'ai fait un constat. Quitte à eux de solliciter un accompagnement ou non. je fais mon travail sans vouloir nuire à travail énorme que l'équipe organisationnelle abat chaque année.

[Crescence Elodie]

J'ai adoré la retrospective

[Crescence Elodie]

Tout à fait. L'objectivité prend tout son sens, avec fait à l'appui.

[Frank William Batchou]

Merci Crescence Elodie. Il fallait bien que les lecteurs comprennent qu'avant d'écrire, on maitrise ce qu'on dit et c'est aussi le rôle du blogueur

[Mützig Cameroun]

Bonsoir Willy. Pas du tout, nous faisons la promotion de nos artistes vainqueur ou pas, et apportons notre aide à chaque fois qu'ils nous sollicitent.

[Frank William Batchou]

Je n'ai pas dit que vous ne faites pas la promotion des vainqueurs. je regrette juste que les vainqueurs ne soient pas productifs après le sacre. ce qui peut jeter un discrédit sur le concours. Je dresse juste un bilan (sans refuter le travail énorme que vous faites) et à l'organisation d'en tirer le bon côté

[Mathieu Youbi]

Emmanuel Bidjecke Victorien Esono Bon article.

[Frank William Batchou]

Je n'irai pas jusqu'à dire que le jury probablement boit plus. C'est normal que la marque vende son produit mais, on ne doit pas oublier le but premier de l'événement. Détecter les talent et valoriser la musique locale. On sait que c'est pratiquement l'unique action majeure de Mutzig sur l'année. Que le budget alloué soit valorisé

[Didier Ndengue]

Très joli billet frangin. C'est sûr que le jury saoule à chaque concours. La SABC de son côté, veut vendre sa bière. Le reste, talent et machin, on n'en a rien à cirer. "Chantez nous du n'importe quoi, on va toujours boire" toto

[Atome Rapopraticien]

Tu as fait un très bel étalage et je le trouve pertinent. Moi même ayant un concourant en 2014, je peux témoigner de la légèreté du jury. Quand à la baisse de niveau je dirai que c'est l'organisation qui est je dirai cause. Mais en ce qui concerne la promo cette année je ne dirai pas qu'elle est si limitée. Je reste d'accord avec le fait que c'est devenu plus un motif commercial qu'un programme de détection de talents. Le gros pb c'est surtout le fait que l'encadrement n'est pas assuré par les personnes compétentes. Mutzig star meurt en terme de contenu . Quant à la promo cette année je ne suis pas de ton avis en ce qui concerne l'inertie de l'absence de com. Ce qui reste à déplorer c'est le non suivi des vainqueurs qui n'ont pas de carrière qui décollent. Qui n'ont qu'une gloire d'un million, d'une scène d'un soirée de finale d'une voiture. Qu'on oublie malheureusement a tel point qu'on ne l'identifie même pas entre une affiche 4/3 et un passage dans la rue, mais surtout une ignorance de son produit de la part du public.

[Frank William Batchou]

Excellente contribution Atome Rapopraticien. Les organisateurs doivent revoir ces aspects relevés. Voilà pourquoi j'ai fait ce billet parce que c'est le seul concours de détection de talent qui résiste encore au Cameroun. va falloir donc être pointilleux sur l'organisation